Gilets jaunes : à quoi servons-nous ? Quel objectif visons-nous ?

Si la météo climatique est maussade en ce début d’avril 2019, le printemps social est beau avec le film « J’veux du soleil ! » de François Ruffin et Gilles Perret qui arrive dans les salles. Ce documentaire sur les gilets jaunes a été tourné en décembre 2018. Trois mois après le mouvement tient toujours !!!

Pour être honnête, quand j’ai publié en novembre 2018 ma vidéo d’appel à manifester avec les gilets jaunes je n’imaginais pas que la mobilisation tiendrait aussi longtemps. Rien que pour ça le résultat est inédit et inespéré !

Comme nous en sommes là je me dis que cette sortie de « J’veux du soleil ! » est une occasion de se poser deux bonnes questions sur les gilets jaunes.

La première : à quoi servent-ils ?

Investir les ronds points avec le signe distinctif du gilet jaune s’est révélée être une idée géniale qui a permis quatre choses essentielles (au moins) :

1) Pour toute une catégorie de la population, les gilets jaunes ont servi à crier sa colère de subir le quotidien, son indignation d’être abandonnée par les élites. Quand des personnes étaient jusque là isolées, muettes ou inaudibles, se réunir sur les ronds points leur a donné la force collective d’être entendues de tout le pays. Les gilets jaunes ont donné une voix à celles et ceux qui n’en avaient pas. En retour, celles et ceux qui ne pouvaient pas aller sur les ronds points ont reconnu la voix des gilets jaunes comme étant aussi la leur. D’où une sympathie inédite pour le mouvement, qui est allée jusqu’à 80 % de la population adulte.

2) Par les discussions sur les ronds points, les gilets jaunes ont pris conscience de l’exploitation économique et de la domination politique qu’ils subissent. Les gilets jaunes ont servi à ce que toute une catégorie de la population prenne conscience de son statut de classe exploitée et dominée. En toute logique les élites financières et leur bras armé au pouvoir, Macron actuellement, ont été clairement identifiés comme les exploiteurs et les dominants.

3) Les gilets jaunes ont servi à refaire de la politique au sens premier du terme, c’est-à-dire réfléchir, débattre et décider en faveur de l’intérêt général. C’est pourquoi, là encore en toute logique, les discussions sur les ronds points ont débouché sur la rédaction de cahiers de doléances et l’énoncé de revendications voulant répondre à l’intérêt général : justice fiscale par le rétablissement de l’ISF, la taxation des compagnies aériennes comme plus gros pollueurs aux hydrocarbures… augmentation du pouvoir d’achat avec l’augmentation du SMIC, des pensions de retraites… augmentation du pouvoir démocratique du peuple avec le rejet de la politique politicienne et carriériste, l’instauration du Référendum d’Initiative Citoyenne…

4) Les gilets jaunes ont servi à faire revenir le peuple « d’en bas » dans l’espace public. Si les classes moyennes et intellectuelles supérieures sont peu engagées dans le mouvement, les gilets jaunes peuvent au moins revendiquer d’être représentatifs des classes populaires et moyennes qui constituent la majorité de la population active du pays. Le port collectif du gilet jaune a permis à plein de personnes de retrouver une dignité individuelle autant qu’à une classe laborieuse de retrouver une dignité collective : « non je ne suis pas rien !… oui nous vallons bien autant que les élites qui nous dominent, et même plus parce que nous sommes plus nombreux ! ».

De mon point de vue, cette voix et cette dignité retrouvées par le peuple « d’en bas » sont un acquis politique en France pour les dix années à venir, quelle que soit l’issue du mouvement des gilets jaunes lui-même.

La seconde : quel objectif visent-ils ?

Les gilets jaunes visent la réalisation des revendications qu’ils énoncent. Mais se pose automatiquement la question du comment y arriver : en faisant plier le pouvoir en place qui au départ n’en veut pas ? ou en prenant le pouvoir soi-même ?

Clairement pour moi, espérer faire plier le pouvoir en place est une fausse piste. En décembre Macron a donné l’impression de répondre aux revendications en disant « lâcher » 10 milliards d’euros pour le « pouvoir d’achat ». On s’est vite aperçu qu’il s’agissait d’un tour de passe passe et qu’il n’avait lâché que des miettes. En fait Macron avait décidé de ne rien lâcher sur l’essentiel : on ne touche pas aux riches et donc pas de rétablissement de l’ISF, on ne donne pas au peuple plus de pouvoir qu’il en a et donc pas d’instauration du RIC !

Comme les gilets jaunes n’ont rien lâché de leur côté et ont poursuivi leur mobilisation au fil des semaines, la macronie a utilisé la violence policière et la répression judiciaire pour dissuader et criminaliser les manifestants. Je fais l’hypothèse qu’à ce jeu frontal et violent ce sera toujours le pouvoir en place qui gagnera, parce que la police actuelle n’a jamais été aussi bien équipée, parce qu’elle est éduquée à détester les manants « fauteurs de troubles à l’ordre public », parce qu’une police professionnelle sera toujours plus disponible que des manifestants amateurs par définition, et parce qu’en face il manque à la mobilisation des gilets jaunes toute la masse critique contre laquelle les « forces de l’ordre » ne pourraient rien. En disant ça je ne veux pas minimiser toute la détermination qui a animé le mouvement durant quatre mois déjà. Je fais seulement le constat de ce qui n’a pas été efficace malgré toute l’énergie dépensée et la violence subie.

faire nous mêmes jaune

Il reste donc la piste de prendre le pouvoir pour réaliser soi-même les revendications. Voilà pourquoi j’estime que l’objectif majeur des gilets jaunes doit être de contribuer à ce que le peuple prenne le pouvoir !

On arrive alors à autre question importante : prendre le pouvoir par la confrontation violente ? Ou pacifiquement par le vote ?

A suivre…

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