Reconversion du lycée agricole de Droyes : pourquoi je préfère la politique de la demande à celle de l’offre

On a beau être dans une modeste commune de 1400 habitant.e.s elle-même dans le modeste département de Haute-Marne de la région Grand Est, les grands principes de l’économie de s’y appliquent pas moins au moment des choix d’investissement.

Démonstration

Dans le village de Droyes (470 hab), la commune nouvelle Rives Dervoises « hérite » de l’ex lycée agricole, celui-ci ayant dû cesser son activité par insuffisance d’élèves. Cet ensemble foncier et immobilier conséquent pour une commune de cette taille engendre un coût d’entretien à l’avenant. D’où un choix nécessaire : gardons-nous ce patrimoine avec le projet d’une reconversion profitable ? ou doit-il être démolir faute de pouvoir assurer cette reconversion ? Et si on le garde, quel choix de reconversion faisons nous ? Et mieux vaut ne pas se louper dans la mesure où l’investissement budgétaire est lourd. C’est là où les principes économiques interviennent comme guides de ce choix.

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Le projet de l’actuelle direction municipale

Fabrice Douet, Maire de Rives Dervoises présente un projet en deux volets :

Un équipement scolaire par réhabilitation de deux bâtiments, un accueillant une classe maternelle et trois classes primaires et un pour la pratique récréative et sportive, puis création d’un préau (en option) et d’aménagements extérieurs, le tout d’un coût prévisionnel de 2,3 millions d’euros.

Un équipement sportif avec deux hébergements collectifs par réhabilitation de deux bâtiments, dont un pour l’accueil de personnes tout venantes y compris porteuses de handicaps avec des chambres individuelles et un avec restauration collective au rez-de-chaussée et accueil de groupes à l’étage, puis créations d’un gymnase, d’un terrain soccer 5/5 synthétique, d’un terrain de foot-ball à 11 en herbe d’un terrain de padle, de vestiaires, d’aménagements extérieurs, le tout d’un coût prévisionnel de 1,7 millions d’euros.

Le volet scolaire répond à la double intention de centraliser le regroupement pédagogique Droyes/Puellemontier en un même lieu et de doter les classes d’un équipement neuf. Malgré tout cette centralisation scolaire dans un équipement neuf ne répond pas à une demande pressante, dans la mesure où l’école maternelle de Puellemontier est neuve et où le bâtiment scolaire de Droyes n’est pas en vétusté préjudiciable. Cela dit j’admets que ce volet scolaire est une opportunité offerte par la nécessité de réhabiliter l’ex lycée agricole. Par contre je suis septique sur la validité du volet sportif.

Tel que présenté, ce volet sportif ne répond pas à une demande fiable et clairement identifiée. Il s’agit d’une offre qui devra générer elle-même une demande qui pour l’instant n’est qu’hypothétique : demande des fédérations sportives de voile, ou de foot-ball ou autres de créer une section « sport étude » sur le collège de Montier-en-Der, demande des habitant.e.s du coin de « consommer » les équipements sportifs, demande des établissements ou associations en charge des personnes en situation de handicap d’organiser des séjours… Je suis d’autant plus septique sur ce dernier aspect que, travaillant dans le secteur de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, je mesure combien les budgets ne permettent plus aux établissements et associations de réaliser des séjours.

Ma proposition (que je partage avec d’autres habitant.e.s)

De manière résolue je me place du côté d’une politique de la demande : à quel besoin clairement identifié peut répondre la reconversion de l’ex lycée agricole ?

Je renouvelle mon accord global avec le volet scolaire. Toutefois j’y opère la modification suivante : je confirme le préau scolaire en même temps que j’opère une économie d’échelle en le fusionnant avec le terrain de soccer 5/5.

Par contre je remets en cause le volet sportif pour lui substituer le projet suivant : répondre à une demande, à la fois structurelle de notre époque et locale, en faveur des personnes âgées par la construction d’une résidence pavillonnaire (entre 8 et 12 appartements d’une à deux personnes) pour seniors autonomes appréciant la vie à la campagne, moyennant des services et commodités sur place comme un pôle médical et paramédical, une conciergerie, des transports…

La proximité entre les écoles et la résidence seniors devra être soigneusement réalisée pour permettre les échanges profitables entre les deux populations tout en atténuant les désagréments de bruits et de passages pour les seniors.

Comparaison bénéfices/inconvénients

Le projet de l’actuelle direction municipale permet de réhabiliter quatre bâtiments sur les cinq de l’ex lycée agricole. Sur ces quatre bâtiments, deux s’intègre dans un équipement sportif (hébergement, gymnase, padle, soccer 5/5, terrain herbe foot-ball à 11, vestiaires) dont le retour sur investissement est tributaire d’une occupation/utilisation incertaine.

Ma proposition réhabiliterait trois bâtiments sur cinq, deux dans le volet scolaire à l’identique du projet de la direction municipale, et un intégré dans le volet résidence seniors. Un volet sportif subsisterait en gardant le terrain soccer 5/5, qui serait couvert pour faire fonction de préau pour les classes, et éventuellement le terrain de padle. Le coût d’investissement d’une résidence pavillonnaire risque d’être plus élevé que le volet sportif du projet de la direction municipale. Mais la construction de la résidence serait sans doute mieux subventionnée et les revenus générés seraient nets ou réguliers, par vente ou location des appartements.

Conclusion

Comme guide de choix en matière d’investissements publics engageant les contributions des citoyen.ne.s par l’impôt, je préfère de loin me poser la question « A quelle demande d’intérêt général peut répondre notre projet ? » Et je laisse la question « Quelle offre puis-je faire pour susciter une demande ? » aux investisseurs privés qui veulent risquer leur capital.

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